«L’Agence régionale de santé met durement en cause les deux premiers chirurgiens qui ont traité Corentin, mort d’une appendicectomie ratée, à 11 ans, en 2014. La clinique messine n’est pas épargnée, mais n’est pas responsable du décès.
« Les inspecteurs ont relevé des dysfonctionnements organisationnels […] mais ceux-ci ne sont pas à incriminer dans le décès de l’enfant », estiment les auteurs de l’enquête sanitaire. Photo archives RL/Gilles WIRTZ
Après le rapport du collège d’experts parisiens missionnés par le juge d’instruction, une seconde investigation réalisée pour l’Agence régionale de santé (ARS) accable les deux premiers chirurgiens qui ont pris en charge Corentin, le 1er novembre 2014, à Metz. Opéré de l’appendicite, le collégien de 11 ans décède, le lendemain à Nancy, des suites d’une intervention qui a tourné au cauchemar.
• ERREURS + RETARDS. Dans la continuité des conclusions des experts judiciaires ( RL du 26 janvier) – qui estiment que l’adolescent messin n’avait pas d’appendicite et que les docteurs B. et C., les deux premiers chirurgiens qui sont intervenus, n’ont pas respecté les règles de l’art et ont perdu du temps –, le rapport de l’ARS, que Le Républicain Lorrain a pu consulter en exclusivité, enfonce le clou. En fin de matinée, ce 1er novembre 2014, l’aorte abdominale de Corentin est traversée par un outil de cœlioscopie, qui provoque une hémorragie. C’est, selon les experts de l’hôpital de la Timone à Marseille, la cause initiale du décès. « La technique hybride d’introduction du premier trocart était risquée et une maladresse a conduit à la plaie aortique », pointe l’ARS. Malheureusement, entre mauvaises appréciations et fausses pistes, cet accident opératoire initial ne sera jamais récupéré. Comme si tous les verrous et protocoles de sécurité avaient sauté… Deuxième cause de la mort de Corentin, mise en lumière par l’ARS : « Un retard de diagnostic de cette plaie liée à des erreurs de diagnostics et des interactions délétères entre l’équipe d’anesthésie et l’équipe chirurgicale ayant entraîné un retard d’1h15 minimum à la laparotomie (ouverture de l’abdomen, NDLR) en urgence qui s’imposait. »
• ACHARNEMENT. Alors que le docteur B., premier chirurgien, est à nouveau critiqué pour son erreur de diagnostic d’appendicite aiguë (lire ci-dessous) et sa décision d’opérer, le second chirurgien appelé en renfort est cloué au pilori par les experts de l’ARS. Contre l’avis de tout le bloc, infirmières comprises, le docteur C. refuse de passer la main, échoue à suturer l’aorte, ne s’aperçoit pas d’une plaie à l’arrière de celle-ci et refuse l’aide d’un chirurgien pourtant spécialisé dans la réparation des vaisseaux. Les experts lui imputent directement la troisième cause de la mort de Corentin : « Une prise en charge défaillante de la réparation aortique ayant entraîné la persistance pendant au minimum deux heures supplémentaires d’une hémorragie majeure », cingle le rapport dont le contenu est resté secret jusqu’à aujourd’hui.
• PAS COUPABLE. Au contraire des deux praticiens qui attendent leur jugement disciplinaire le 24 février, l’hôpital-clinique Claude-Bernard est plutôt épargné par les experts de l’ARS, chargée du contrôle des établissements de santé. Malgré de nombreuses critiques, Claude-Bernard n’est pas responsable de la mort de l’adolescent messin. « Les inspecteurs ont relevé des dysfonctionnements organisationnels […] mais ceux-ci ne sont pas à incriminer dans le décès de l’enfant », estiment les auteurs de l’enquête sanitaire. Les experts s’interrogent sur « l’organisation infirmière au bloc opératoire », sur « les gardes en réanimation », une faiblesse de « l’information hiérarchique » et « l’absence de procédure en cas de survenue de complication grave ». De nombreux témoins l’avaient raconté à l’époque : ce 1er novembre 2014, l’opération de Corentin, qui avait duré huit heures, avait été ressentie comme une onde de choc dans tout l’hôpital.»
Même si je me blesse en livrant cet abattoir privé, je refuserais tout soin (si je suis encore en état de le faire).
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