Erreurs médicales
A lire plus tard.
Édit :Copie in extenso des articles:
Basta mag
«Seriez vous un « looser », fragilisé par des situations difficiles de travail ? Ou un « opposant » qui conteste trop souvent la direction ? Ou encore un « pessimiste » ? C’est en ces termes qu’une docteure influente a proposé de cataloguer les personnels soignants du centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse qui participent à certaines réunions de crise, suite au décès d’un patient notamment. Une manière de « neutraliser » les avis divergents, et un exemple supplémentaire de la façon dont la parole des soignants est considérée par la hiérarchie, alors que les mouvements sociaux se multiplient au sein des hôpitaux publics.
À quoi pensent les médecins en chef d’un grand hôpital public lorsqu’un patient vient de décéder et qu’une réunion est convoquée dans le but de comprendre ce qui s’est passé – et de faire en sorte que ça n’arrive plus ? Si l’on en croit le compte-rendu de la dernière réunion annuelle des médecins et encadrants du CHU de Toulouse, la priorité ne consiste pas à faire la lumière sur les faits. Mais bien à prévenir le risque d’une contestation interne.
Dans les réunions se glissent en effet des « opposants », des « loosers » et autres « corporatistes » qui menacent de faire « tâche d’huile », comme s’en inquiète une médecin en chef dans le verbatim de la réunion du 31 mai 2018, que Basta ! s’est procuré. Si l’on voulait éditer un guide pratique du management par la soumission aux chefs, on ne s’y prendrait pas mieux.
« Faut-il se préparer aux personnalités les plus dérangeantes ? »
Dans l’industrie aéronautique, suite à un crash, il est d’usage que les ingénieurs se réunissent avec les ouvriers pour tenter de comprendre ce qui a pu causer l’accident. À Toulouse, le centre hospitalier universitaire (CHU) – 280 000 hospitalisations et 15 800 personnels soignants en 2017 – fonctionne sur le même principe. Quand survient un « événement indésirable grave » ou un décès de patient, comme le 2 février aux urgences et le 11 mai aux soins intensifs digestifs, médecins et soignants tiennent une réunion de crise, appelée « Revue de mortalité et de morbidité » (RMM). Tous les ans, les responsables de ces RMM se retrouvent pour dresser le bilan de l’année écoulée et améliorer l’organisation pour éviter de nouveaux morts. Jusqu’ici, rien d’anormal.
Lors de la réunion annuelle du 31 mai 2018, une influente docteure, Béatrice Guyard-Boileau, gynécologue obstétricienne à l’hôpital Paule de Viguier, a tenu une conférence devant une trentaine de confrères du CHU de Toulouse. Thématique du jour : « Faut-il se préparer aux personnalités les plus dérangeantes pour la réunion ? » Sa prise de parole ne visait pas à améliorer l’organisation de l’hôpital, ni même à réclamer davantage de soignants, mais à transmettre aux responsables de ces réunions l’art et la manière de repérer les casse-pieds, afin de les « neutraliser » (sic) pendant ces réunions d’urgence. Nous avons passé en revue (morbide) les trucs et astuces imaginés par cette manageuse zélée.
« Contentez-vous de lui répéter que c’est un travail d’équipe, et qu’on y arrivera "tous ensemble" »
Le responsable de la RMM sera bien avisé de préparer sa réunion en amont, en nouant des alliances avec des « leaders » préalablement identifiés. Après avoir trouvé un bon leader, il faut démarrer la réunion en « communiqu[ant] sur les dérives (humanistes/règlements de compte) et les rappeler pour « donner le ton » en début de réunion. » Ici, le terme « humaniste » désigne un individu en pleine dérive, passablement aigri et prêt à régler des comptes. Ensuite, le responsable de réunion devra repérer les « personnalités difficiles » parmi sept catégories : le « donneur de leçons », le « looser », le « blagueur-bavard », le « pessimiste », le « timide », « le corporatiste/syndiqué/anti-direction, etc », et enfin, « l’opposant ». Et adopter l’attitude conseillée en fonction de chaque profil.
Si par malheur vous vous trouvez confronté en personne à ce type d’individu, ne paniquez pas, suggère la conférencière, « demandez-lui quelles solutions il aurait à proposer. Sinon, contentez-vous de lui répéter que "c’est un travail d’équipe" et qu’on y arrivera "tous ensemble" ». »
France 3 Occitanie
«Dans un document interne du CHU de Toulouse, une médecin préconise de déterminer les personnalités des soignants, lors des réunions de crise. "Le donneur de leçon", "le looser" ou encore "le bavard". Ces caricatures crééent la polémique, la médecin s'explique.
Par Sylvain Duchampt et Karen Cassuto Publié le 29/06/2019 à 10:05
"Gérer les participants "difficiles" durant une RMM" (revue de morbidité et de mortalité), le titre du chapitre est explicite. Il fait partie d'un rapport d'une soixantaine de pages, diffusé à une trentaine de médecins et encadrants du CHU de Toulouse, lors d'une réunion. Ce support de travail a été révélé et critiqué par le magazine Bastamag. Pour la médecin concernée, il s'agissait de donner des clés pour améliorer les prochaines RMM.
Du "looser" au "bavard"
Lorsque survient un "évènement indésirable grave", comme le décès d'un patient, les médecins et les soignants se réunissent en cellule de crise, la Revue de mortalité et de morbidité (RMM). Lors de la réunion annuelle du 31 mai 2018, le docteur Béatrice Guyard Boileau expose les manières de "se préparer", durant ces RMM, aux soignants, "aux personnalités les plus dérangeantes pour la réunion."
Dans sa présentation ce soir là, l'obstétricienne présente sept profils types :
"Le donneur de leçon - Il sait tout, il n’aurait jamais raté le diagnostic etc : danger pour le looser +++. Ne pas le contrer, on renforce sa position. Plutôt : tant mieux si il sait, on est là pour être bon en équipe, comment peut-il aider (puisqu’il « sait ») ? Lui proposer d’emblée une tache ultérieure en tant qu’ « expert », avec un délai fixe!"
"Le "looser" - A été affecté par l’EIG (Evènement indésirable grave, ndlr), donc fragile. A voir avant pour rassurer. Essayer de protéger des assauts éventuels : près de vous dans la salle, contact visuel, à côté de quelqu’un de bienveillant."
"Le blagueur/bavard : l’occuper ?" - Même en RMM ! Ne pas l’interroger en premier, poser des questions fermées. Le mettre secrétaire pour le neutraliser, ou tout autre tâche (chercher quelque chose dans le dossier etc.) Importance du « tour de parole ». Recadrer dans le timing au nom de l’équipe « nous aimerions tous avoir un moment pour manger rapidement avant de consulter, peux-tu aller à l’essentiel ?"
"Le pessimiste - "Tout fout le camp, c’est même pas la peine d’essayer..." Pas de réassurance directe type « ne t’en fais pas » : reconnaitre que ce n’est pas facile. Essayer de s’appuyer sur des choses qu’il/on a réussi. Recentrer sur ce qu’on a observé pour chercher des actions positives (pas de « tache d’huile »)."
"Le corporatiste/syndiqué/anti-direction etc - Généralement majoritairement opposant. Essayer de faire la part entre les critiques constructives et les chicaneries (personnes, corporation, direction etc). Replacer la problématique d’équipe : « il faut être bon « ensemble »."
"L’opposant : il est utile malgré tout ! - Jamais d’accord. Tout peut être dit, mais ne pas tolérer un ton inadapté. Ne pas le contrer ni l’isoler, mais entendre son propos, lui faire préciser et le noter (légitimé). Lui demander de préciser (ultérieurement) les sources qui lui permettent d’avancer ce qu’il dit (permet parfois de diminuer le niveau d’intervention). Essayer de faire la part entre les critiques constructives et les chicaneries (personnes, direction, etc.). Lui demander quelles solutions il aurait à proposer."
"Le timide : à solliciter de façon non obligatoire - Perte d'opportunité si on le sollicite pas. Ne pas les interroger directement de façon frontale. Plutôt amorcer de façon ouverte leur apport "tu m'as parlé de ton expérience, je crois que ça serait intéressant, voudrais-tu nous parler maintenant?" Proposer une stratégie autre que verbale (faire un schéma etc.). Faire le point à la fin de la réunion."
En conclusion de ce chapitre, elle écrit :
Importance de prendre en compte les facteurs humains dans les RMM : pour le succès de la RMM mais aussi pour le respect de chacun et de ses émotions.
Indignation du personnel soignant
Disponible durant un moment sur l'intranet du CHU, ce document a provoqué la colère des syndicats de soignants :
" C'est un document dramatique et honteux, s'exclame l'un de leurs représentant. Nous sommes scandalisés mais pas surpris. Nous partageons la préoccupation que tout le monde puisse s’exprimer mais il existe d’autres façons de faire comme des tours de parole par exemple pour aider les gens. Cette méthode vise à faire taire ceux qui pourraient critiquer le fonctionnement de l’hôpital ou soulever un dysfonctionnement. C’est interdit d’enfermer les gens dans des cases et c’est aussi humiliant."
Il existe d'autres façons de faire
Réponse de la médecin concernée
Le seul commentaire au tweet publié par le journaliste qui a révélé ce document, est en faveur du docteur Beatrice Guyard Boileau.
Si Beatrice Guyard Boileau est un monstre de management inhumain, alors moi je suis Blanche-Neige. C’est au contraire un modèle d’écoute et de bienveillance sincère vis à vis des patients comme des équipes. Ses propos sont manifestement déformés et interprétés à charge.— DocAdrénaline - No #FakeMed (@DocAdrenaline) 26 juin 2019
Depuis dix ans, cette médecin effectue onze réunions Revue de mortalité et de morbidité par an, dans le service maternité. Pour elle, le contexte de la réunion lors de laquelle le document qui fait polémique a été présenté, est important : "un soir, de 19h à 20h30, il y a un an". "Il s'agissait d'un topo de 10 minutes. J'ai imagé et caricaturé exprès, pour l'attrait de cette réunion tardive".
J'ai proposé de structurer les fois où les facteurs humains ont été un frein ou un danger à la progression de cette réunion. Mais dans 95% des cas, ces réunion se passent très bien.
"Une fois tous les deux ans une personne, au cours de ces réunions, exprime quelque chose de dangereux pour la réunion".
Beatrice Guyard Boileau se dit "scandalisée" par ces "interprétations". D'autant plus qu'elle est a l'origine de vidéos dont l'objectif est d'améliorer "le bien-être du personnel soignant".
Le centre hospitalier de Purpan, lui, déplore une "instrumentalisation" de documents internes, "sortis de leur contexte". Ce n'est en effet pas la première fois que des documents fuitent à l'hôpital de Toulouse, et engendrent une polémique.
»
Mon 01 Jul 2019 05:07:13 AM CEST - permalink -
-
https://twitter.com/DocAdrenaline/status/1145390039658115072